BIO

Pour l'essentiel, Barbara Carlotti écrit et compose. Des chansons, d'abord, qu'elle interprète (6 albums ; Chansons ; Les Lys Brisés ; L’ Idéal ; L’ Amour L' argent Le vent ; Magnétique ; Ile d’amour)  mais aussi des spectacles, des émissions de radio (Cosmic Fantaisie sur France Inter) et même, de télévision (Le Cabaret Insolite sur France 3 Corse). Autant d'îlots ménagés dans le réel entre lesquels serpente une voix que l'on dirait d'eau, tour à tour claire et troublée, vive ou presque-dormante, totalement hypnotique. Une voix parfois mêlée, en duo, avec celles de Philippe Katerine, Dominique A, Bertrand Belin, Juliette Armanet, Bertrand Burgalat... Une Constellation d'âmes soeurs de la pop française dans laquelle elle irradie.

Texte par Philippe Vasset

BARBARA CARLOTTI / ILE D’AMOUR

Barbara Carlotti a installé son nom dans la pop française en cinq albums ciselés et exigeants qui ont défini les couleurs et les sons de son univers influencé par la pop anglaise et la chanson française racée (de Gainsbourg à Daho).

En 2006, son deuxième album « Les Lys brisés » est salué par l'Académie Charles Cros qui lui décerne son coup de cœur et récompense son quatrième album « L'Amour, l'Argent, le Vent » en 2012. Cette année-là, elle est sélectionnée en révélation scène et album aux Victoires de la Musique. 

Si elle écrit et compose essentiellement des chansons, Barbara Carlotti crée aussi des spectacles, anime des émissions de radio telles que Cosmic Fantaisie sur France Inter, de télévision comme Le Cabaret Insolite proposé par Mareterraniu Production (pour France 3 Corse - Via Stella) et a réalisé un premier film, « Quatorze Ans », tourné en Corse en 2019. Autant d'îlots ménagés dans le réel entre lesquels serpente une voix que l'on dirait d'eau, tour à tour claire et troublée, vive ou presque-dormante, totalement hypnotique. Une voix parfois mêlée, en duo, avec celles de Philippe Katerine, Dominique A, Bertrand Belin, Juliette Armanet, Bertrand Burgalat... Une cartographie céleste où se dessinent des constellations d'âmes sœurs de la pop française dans laquelle elle irradie.

En 2018, Barbara Carlotti produit et livre le bien nommé « Magnétique », un album de rêves éveillés, composé en partie durant son sommeil, et qui continue de susciter l'attraction. 

C'est aujourd'hui à un nouveau voyage que Barbara Carlotti nous invite. Un voyage au cœur du répertoire corse, vaste, varié et mélodieux dont les notes s’égrènent et résonnent dans les ruelles du village qui abritaient ses courses et ses jeux d’enfant tous les étés. Son père fredonnait des chansons populaires des années 60 qui portaient la nostalgie des exilés insulaires et vibraient de leur éloignement douloureux. Le riacquistu, ce mouvement à la fois politique et culturel de « réappropriation » du patrimoine corse, permettait alors de renouer avec les racines de cette terre puissante et ardente, et des groupes mythiques comme Canta U Populu Corsu lui offraient leurs voix profondes et harmonieuses. Barbara les écoutait en boucle avec sa famille, sur sa K7 à la bande désormais usée par le temps et se laissait transporter par l'émotion et la force de leurs notes et de leurs mots. Pourtant, jusqu'ici, elle n'avait pas exploré l'impact de ces souvenirs sur sa musique. Bien sûr, la Corse l'avait déjà inspirée puisqu'elle y avait écrit et composé son troisième album « L'Idéal » sorti en 2008 chez 4AD/Beggars. Le titre « Ici », chantait déjà la beauté et la félicité des heures passées sur les rives du Tavignanu. Le voici réorchestré en ouverture de ce nouvel album. 

Avec « Corse, île d'amour », Barbara Carlotti franchit un nouveau cap et livre la fierté de ses racines à son public. C'est un pari et un cadeau, offert avec amour, qu'elle a déjà eu l'opportunité de partager à la fin de certains concerts à La Cigale ou encore à La Gaîté Lyrique, en reprenant « ÔCorse île d’Amour » de Tino Rossi. Le lien avec son île se révèle à elle comme une évidence. Ces chants traditionnels et ces ballades qui l’accompagnent depuis toujours, irriguaient inconsciemment ses chansons. En reprenant ce répertoire, elle nous donne à entendre l'aspect l'intemporel et l'universalité de ces mélodies et des thèmes qu’il aborde. 

Dans un premier temps, elle s'en empare avec son groupe de scène, Pierre Leroux à la guitare, Benjamin Esdraffo aux claviers et Mathias Fisch à la batterie, revisitant les harmonies, et les mélodies pour se les ré-approprier, puis avec la réalisatrice Bénédicte Schmitt, accompagnée d'Emile Sornin aux claviers (Forever Pavot), Benjamin Glibert à la guitare et Julien Gasc aux chœurs (Aquaserge), ils cisèlent ensemble des arrangements et une orchestration qui lui ressemblent sans dénaturer l'esprit des chansons, invitant des musiciens corses comme Thibaut Frisoni (multi-instrumentiste auprès de Bertrand Belin notamment) et Bertrand Burgalat ami de longue date de Barbara, qui est né et a grandi en Corse. 

Au printemps, une crise sanitaire mondiale, inattendue et fulgurante, fige le temps. L'album se construit d'abord dans le confinement puis, dès l'échappée possible, Barbara Carlotti et Bénédicte Schmitt se lancent dans un road trip, studio sac à dos à l'épaule, sur les chemins insulaires. Poggio di Venaco, le village de ses racines, livre le souffle du vent sur les pierres, les murmures de l'eau sur la roche, la musique d'une faune animant le maquis. À Barcaggio, qui abrita ses premiers concerts au tout début de sa carrière, sur la terrasse du Fanale, la mer fantasque offre le tempo lent des vagues, éternel et suave, ou la vigueur fougueuse du ressac. Nourris des dons harmonieux de la nature intacte, inspirés par les senteurs sauvages d'immortelles et d'arbousiers zébrés de soleil, les morceaux continuent de se construire en une mosaïque d'émotions. Et, pour que le partage soit plus fécond, elle convie Izia Higelin sur la vibrante et prophétique « Ballade de Chez Tao » écrite et chantée par son père Jacques Higelin en 82, et qui résonne tout particulièrement aujourd’hui. Elle fait de même avec Pierre Gambini, dont le beau timbre accompagne « Ici » de ses mélismes ou de ses murmures. C’était une évidence pour celle qui avait déjà partagé la scène avec l'auteur, compositeur et interprète de la bande-originale de la série Mafiosa. Puis, ce sont les sons du maquis bruissant et palpitant qui viennent se mêler à la vérité originelle des instruments traditionnels comme la cetera de Carmin Belgodère, fondateur du groupe Mânat.

Dans « Corse, île d'amour », Barbara Carlotti rend aussi hommage à ces interprètes, auteurs, compositeurs, groupes musicaux qui ont toujours chanté cette Corse tant aimée. Portée par les sonorités graves et profondes de cette langue, l'artiste choisit d'interpréter la berceuse « Ciucciarella », première chanson enregistrée par Tino Rossi, mais aussi « A Strada di l’Omu » du groupe Canta u populu Corsu. Son amour de la langue française la conduit à adapter « Ritornu » de Tony Toga, « Un batellu chi passa » de Dominique Marfisi et popularisé par Antoine Ciosi, « Pogha Schenza » de Charles Rocchi. Ainsi, ils deviennent « Le retour »« Un bateau qui passe »« Pauvre Chance », sans oublier de reprendre les nostalgiques « Tous les Corses du monde » et « Solenzara » de Bruno Baccara et Dominique Marfisi, immortalisés par le duo Regina et Bruno, donnés ici dans une version qui mêle corse et français, jette un pont entre deux rives, un lien indéfectible qui ramène irrémédiablement à la douceur mélodieuse de l'enfance, à l'insouciante liberté, à la puissance de l’appartenance.

Et parce qu'il faut parfois beaucoup d'humour pour être corse, Barbara Carlotti ose un clin d'œil un peu inattendu. Souvent taquinée sur les clichés qui collent à la peau des insulaires, elle a décidé de s'approprier un standard du répertoire français qui parle des Corses avec humour, mais surtout avec plus d’affection que de moquerie. Le fameux « Tango Corse », chanté par l'unique Fernandel, passe finalement beaucoup mieux lorsqu'il est interprété par une insulaire !

Hommage aux chanteurs corses, à sa famille, à ses compatriotes et aux amoureux de l'île, invitation pour ceux qui rêvent de la découvrir, ce 6ème album est finalement, avant tout, une magnifique déclaration d’amour et de partage. Sensible, émouvant, délicat, pop, parfois psychédélique, « Corse, île d'amour » est une fenêtre ouverte sur une vallée luxuriante, où nos cœurs s’unissent aux mélodies d’hier et d’aujourd’hui.


BARBARA CARLOTTI / MAGNETIQUE 

« Je connais la trame de l’univers, toutes les architectures célestes, les motifs qui relient les êtres et tous ces feux qui nous animent... »  nous révèle Barbara Carlotti dans un parlé- chanté hypnotique. 

Si la musique est une onde vivante faite de courbes abstraites qui se propagent, Barbara Carlotti, toujours multiple, en dessine les contours par le truchement chuchoté de la radio, de la chanson ou de la performance. En 2012, son quatrième album « L’Amour, l’Argent, le Vent » lui vaut d’être nommée aux Victoires de la Musique et récompensée par l’Académie Charles-Cros. De 2013 à 2014, elle produit l’émission Cosmic Fantaisie sur France Inter. À cette période, sa prose et sa voix nous ont guidé vers des archipels futuristes et sonores en apesanteur. La même année, elle était « La Fille », héroïne du dessinateur Christophe Blain, qui chevauchait sa moto à travers les grandes plaines de l’ouest américain sur les cases d’une bande dessinée et sur les planches. Depuis 3 ans, elle développe sur scène les Laboratoires Oniriques où elle partage sa vision du rêve à travers des chansons et des textes littéraires avec de grands rêveurs et amis, Christophe, Philippe Katerine, Juliette Armanet ou encore l’écrivain Jonathan Coe. 

En 2018, avec « Magnétique », son nouvel album, Barbara Carlotti nous attire dans sa chambre, dans ses nuits de rêves, dans un temps qui s’étire et nous étreint. « Magnétique » a pour point de départ un cauchemar récurrent et tout un monde nocturne à explorer. Depuis sa prime adolescence, elle remplit des centaines de carnets dans lesquels elle note scrupuleusement les récits de ses aventures oniriques, fantastiques et fantasques. Elle décide en 2015 d’en faire la matière première de ses nouvelles compositions et crée son label La Maison des Rêves afin de produire son album en sollicitant le public via la plateforme Kiss Kiss Bank Bank. 

Enregistré dans les ex-studios Vogue, peaufiné dans la Auber Mansion de Benoît de Villeneuve (co-réalisateur de l’album avec Barbara), et mixé par Angy Laperdrix (Barbagallo, Chervalrex...), « Magnétique » est un disque teinté de surréalisme dans lequel on entre comme dans un cabinet de curiosités. Un puzzle de douze pièces où l’on tombe tour à tour sur ses carnets secrets, des breuvages d’alchimiste, une Dream-machine psychédélique, les rythmiques sixties de l’A.S. Dragon, des synthétiseurs New Wave, les boucles électroniques de Benoît de Villeneuve et Benjamin Morando, la voix de dandy de Bertrand Burgalat, et un trio de cuivres étincelants, emmené par l’inclassable Thomas de Pourquery. 

Cette collection de chansons, qui s’affranchit des formats, fait de cet album un objet musical unique et baroque. 

Barbara se métamorphose et questionne nos sens et notre imaginaire dans des ritournelles addictives. « Voir les étoiles tomber » est une comptine grisante qui ouvre avec allégresse l’aventure Magnétique. Cette rêverie pop composée en rêve se promène sur des motifs juvéniles et traverse des paysages célestes étincelants pavés de cuivres dignes de « Penny Lane ». Dans ce disque, il y a des fréquences qui agitent nos esprits instables, et « Radio Mentale Sentimentale » nous entraîne dans sa cavale amoureuse synesthésique. En proie à ses démons, l’auteure jette un sort à ses terreurs nocturnes et aux rôdeurs qui viennent la visiter dans son sommeil, « Vampyr » infuse alors sa poésie lynchéenne et ses effluves gothiques pour mieux faire pénétrer la lumière, chasser l’incube et les ombres sulfureuses qui hantent ses nuits. Parfois, certains de ses films oniriques se transforment en film noir : « Le Mensonge », morceau en forme de polar, est une enquête, un secret, un complot, peut-être un crime. A quel point sommes-nous crédule ? Qu’est-ce que l’on nous cache ? Comment démêler le vrai du faux ? Ce doute entre illusion et réalité s’illustre avec humour dans « Tout ce que tu touches » en duo avec Bertrand Burgalat. L’élégante chante la radioscopie intime des sirènes, joue des notes hermaphrodites, pimente et sculpte des chansons sybarites intemporelles. 

À travers ce nouvel album pop, baroque et charnel, elle fait de nos rêveries une fresque épidermique et sonore qui résonne et se déploie entre les mondes. Sa radio mentale diffuse une musique intérieure et joue des images oniriques sur une bande passante qui ondule à l’infini. Une radio saturée de voix et de présences, de conquêtes, de désirs, d’enquêtes, de mémoires vives, d’expériences scientifiques, magiques et charnelles... Sur la table de chevet, le poste somnambule joue une irrésistible fantaisie. 

Texte par Aurélie Sfez